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Vous le méritez !

Si tu ne veux pas que tes yeux et tes sens faiblissent,cours aprés le soleil à l'ombre :

 
 
 
 
 
 
 
 

Une Trés belle Sélection de Bonheur ... Mérité !

 
 
 

Si vous êtes malheureux...

 

 

Je Suis la LUMIÈRE... et vous ne Me voyez pas 
Je Suis la ROUTE... et vous ne Me suivez pas 
Je Suis la VÉRITÉ... et vous ne Me croyez pas 
Je Suis la VIE... et vous ne Me cherchez pas 
Je Suis votre CHEF... et vous ne M'obéissez pas 
Je Suis votre DIEU... et vous ne Me priez pas.

 

 

Si vous êtes malheureux, ne Me le reprochez pas !

 
 
Anonyme, Texte déchiffré sur un ancien calvaire 
 
 
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L'histoire des familles heureuses 
Ni chanceuses ni extraordinaires, certaines familles savent rendre heureux leurs membres et ceux qu'elles accueillent. Un art cultivé au quotidien.

 

 

« Je suis née dans une famille qui s'était comme habituée au malheur, raconte Amélie Mélicourt, 85 ans. Chez nous, on ne riait jamais. La bouteille était toujours à moitié vide. Qu'il fasse soleil ou qu'il pleuve, les visages de mes parents étaient tristes. Les objets restaient toujours à la même place comme si la vie était arrêtée. Moi, je détestais cette atmosphère qui ne me donnait pas envie de grandir. Le soir, après la prière, une fois couchée, je me demandais souvent : est-ce pareil dans les autres familles ? »

 

 

La réponse vint quelques années plus tard, car la mère d'Amélie est tombée gravement malade, ce qui valut à la petite fille d'aller avec son frère vivre deux années chez ses cousins. « J'ai découvert une vie familiale tout à fait différente, confie-t-elle. Parfois, je ressens encore ce sentiment d'étrangeté qui m'a tout de suite envahie : là, c'était une maison de lumière en comparaison de ma maison ténébreuse. En fait, plus tard, j'ai réalisé que mon oncle et ma tante savaient jouir du moment présent. Et quand l'heure n'était pas favorable, ils ne s'appesantissaient pas, comme si celle qui allait suivre devait être meilleure ! Chez eux, la vie avait bon goût. Grâce à eux, je me suis mise à l'aimer à mon tour. »

 

 

C'est ainsi. A l'exemple de certains individus, certaines familles semblent avoir reçu le talent du bonheur, cette capacité d'aimer la vie et de la faire aimer à ceux qui partagent un peu ou beaucoup de leur intimité. « Mais, qu'on ne s'y trompe pas, souligne Christophe André, psychiatre et auteur de Vivre heureux, l'aptitude au bonheur est vaine et stérile si ceux qui la possèdent ne décident pas de la développer. » Autrement dit, la bonne étoile ne suffit pas. Le bonheur reste toujours à construire.

 

 

Mais alors quelles sont les recettes qui donnent à ces maisonnées l'âme joyeuse ? D'où tiennent-elles leur art de cultiver le bonheur au quotidien d'une vie ordinaire ? Pour le savoir, rien de tel que de se laisser inviter par l'une ou l'autre. Franchir le seuil de leurs maisons ne pose d'ailleurs en général aucun problème. C'est même là une de leurs caractéristiques. Quand leurs portes ne sont pas ouvertes en permanence, la clé n'est jamais loin : sous la bûche ou sous le paillasson !

 

 

« Par toutes sortes de détails, à l'extérieur, mais plus encore à l'intérieur de la maison, explique Monique Eleb, sociologue spécialiste de l'habitation et des modes de vie, certaines familles traduisent leur sens de l'accueil et leur volonté d'ouverture aux autres. » Et c'est bien vrai. A regarder de près, l'organisation de l'espace intérieur de ces foyers, il semble que tout soit fait pour que chacun trouve sa place et ce dont il a besoin pour ne pas éprouver un sentiment de gêne ou de timidité.

 
 
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En fait, dans ces lieux, les biens matériels ne semblent pas avoir grande importance. Même beaux, voire précieux, les objets paraissent être mis là uniquement pour servir et réjouir les sens de ceux qui les approchent. « Effectivement, explique Christophe André, les parents de ces familles au coeur large ont une hiérarchie des valeurs qui privilégie l'être sur l'avoir, les valeurs de respect, de gentillesse, d'attention et de partage. Les valeurs matérialistes comptent moins. »

 

 

Alors, peu importe s'il règne parfois un joyeux désordre : on déplace un matelas d'une chambre à une autre, parce que ça facilite le papotage et les fous rires avec la copine du week-end, on sort les « beaux verres » pour l'invité impromptu, parce que c'est tellement plus agréable ! Bien sûr, ici comme ailleurs, et même peut-être davantage, il arrive que l'on casse, que l'on salisse, que l'on déchire, mais là, c'est sûr, on n'en fait pas un drame ! « Ce n'est pas grave », « On ne va pas s'en faire pour si peu », entend-on souvent...

 

 

Les hôtes parlent aussi souvent la même langue de la simplicité et de la gentillesse : « Tu reviens quand tu veux », « Un de plus, un de moins, ça ne compte pas », « Quelle bonne surprise de te voir », « Raconte-moi ce que tu deviens », etc. Nul doute que de telles attentions aident ceux qui les reçoivent. Ce fut le cas d'Anne, 32 ans, qui se souvient.

 

 

« Pendant toute mon adolescence, raconte-t-elle, j'adorais aller chez des gens de mon immeuble. Pourtant, ils n'avaient pas d'enfants. Mais, à mes yeux, c'était une vraie famille, des gens toujours accueillants, gais et prêts à m'écouter. Avec un petit détail qui me faisait du bien : il y avait toujours des fleurs fraîches chez eux. Pourtant, ils n’étaient pas très riches. Ils faisaient des tas de choses pour les autres. A l’époque, j’étais très déprimée et je ne m’aimais pas du tout. La vie me paraissait inintéressante, comme moi. Peu à peu, je ne sais pas comment, Francine et Pierre m’ont redonné confiance en moi. Et maintenant ça va bien, je suis mariée et j’essaie, avec Jean, de construire une famille comme la leur… avec deux enfants en plus ! »

 

 

Comment regarder ces familles et surtout les parents, ceux qui en tiennent les rênes ? Comme des gens extraordinaires parce qu’épargnés par le malheur ? « Non, répond Christophe André, ces familles ne sont pas exceptionnelles. Elles ont des défauts et connaissent les mêmes difficultés, les mêmes échecs, les mêmes épreuves que les autres. Seulement, il s’agit de familles dont les parents ont décidé d’apprendre à cultiver et à protéger leur aptitude au bonheur et celle des autres. »

 

 

Veiller à ne pas se laisser gagner par le pessimisme

 

 

Un apprentissage qui demande du temps et de la méthode. Ainsi, pour jouer ces cartes gagnantes, faut-il parfois se déshabituer de certains réflexes tels que : plaintes incessantes, visions pessimistes de l’avenir, pensées négatives et anxieuses. Car devenir heureux, c’est souvent d’abord refuser de devenir malheureux.

 

 

« Un jour, mon mari et moi, nous avons pris conscience que nous glissions vers l’humeur triste, avoue Sylvie, 45 ans et mère de quatre enfants. Nous ne riions plus avec nos enfants. Tout devenait un drame. Et quand il y avait une fête, il y avait toujours quelque chose pour la gâcher. Pourtant, nous n’avions que des soucis ordinaires, en comparaison de certains de nos amis, qui, eux, paraissaient plus heureux. Nous avons décidé de nous reprendre. Nous avons pris du recul avec un conseiller familial et nous avons compris que nous nous étions laissé gagner par l’anxiété. Maintenant, après plusieurs entretiens, nous avons retrouvé notre joie de vivre. Et nos enfants aussi ! »

 

 

Pour Sylvaine Paliniou, 38 ans, membre avec ses trois enfants des Focolari (1), « la joie de vivre est directement liée à la capacité de chacun de vivre pleinement le moment présent dans la confiance. » « Pour nous, précise-t-elle, notre foi en Dieu nous aide à progresser dans ce sens, à nous défaire de nos habitudes de toujours vouloir autre chose de mieux ou de différent de ce que l’on a. Certains de nos enfants sont plus enclins que d’autres à adopter cette attitude. A nous de nous appuyer sur eux pour entraîner le mouvement général. C’est ça aussi la richesse d’une famille. »

 

 

Se réjouir des petites comme des grandes choses de la vie pour que chacun découvre qu’elle est un bien infiniment précieux aux ressources infinies… Au fond, n’est-ce pas cet art subtil que maîtrisent les familles dont on dit qu’elles sont heureuses ?

 
 
(1) Mouvement de vie chrétienne oecuménique et accueillant des croyants d'autres religions. 
Agnès Auschitzka, 18 novembre 2003  
 
 
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La cithare du bonheur

 

 

C'était un homme droit et sincère qui cherchait le chemin du bonheur, qui cherchait le chemin de la vérité. Il alla un jour trouver un vénérable maître soufi dont on lui avait asuré qu'il pourrait les lui indiquer. Celui-ci l'accueillit aimablement devant sa tente et, après lui avoir servi le thé à la menthe, lui révéla l'itinéraire tant attendu : « C'est loin d'ici, certes, mais tu ne peux te tromper : au coeur du village que je t'ai décrit, tu trouveras trois échoppes. Là te sera révélé le secret du bonheur et de la vérité. »

 

 

La route fut longue. Le chercheur d'absolu passa maints cols et rivières. Jusqu'à ce qu'il arrive en vue du village dont son coeur lui dit très fort : « C'est là le lieu ! Oui, c'est là ! » Hélas ! Dans chacune des trois boutiques il ne trouva comme marchandises que rouleaux de fils de fer dans l'une, morceaux de bois dans l'autre et pièces éparses de métal dans le troisième. Las et découragé, il sortit du village pour trouver quelque repos dans une clairière voisine.

 

 

La nuit venait de tomber. La lune remplissait la clairière d'une douce lumière. Lorsque tout à coup se fit entendre une mélodie sublime. De quel instrument provenait-elle donc ? Il se dressa tout net et avança en direction du musicien. Lorsque, stupéfaction, il découvrit que l'instrument céleste était une cithare faite de morceaux de bois, des pièces de métal et des fils d'acier qu'il venait de voir en vente dans les trois échoppes du village.

 

 

A cet instant, il connut l'éveil. Et il comprit que le bonheur est fait de la synthèse de tout ce qui nous est déjà donné, mais que notre tâche d'hommes intérieurs est d'assembler tous ces éléments dans l'harmonie.

 
 
Conte soufi 
 
 
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MACHA - Oh, cette musique ! Ils s'éloignent de nous, l'un d'eux est parti tout à fait, pour toujours, nous resterons seules, pour recommencer notre vie Il faut vivre... Il faut vivre.

 

 

IRINA - Le temps viendra où chacun saura pourquoi tout cela, pourquoi toutes ces souffrances, il n'y aura plus de mystère d'aucune sorte, mais en attendant il faut vivre... Il faut travailler, seulement travailler ! Demain j'irai seule, j'enseignerai à l'école, et je donnerai toute ma vie à ceux pour qui, peut-être, elle sera utile. C'est l'automne, bientôt ce sera l'hiver, la neige couvrira tout, et je travaillerai, je travaillerai.

 

 

OLGA - La musique joue si gaiement, si fièrement, on a envie de vivre ! Ô mon Dieu ! Le temps passera, et nous partirons pour toujours, on nous oubliera, on oubliera nos visages, nos voix, on ne saura plus combien nous étions, mais nos souffrances se changeront en joie pour ceux qui vivront après nous, le bonheur et la paix s'établiront sur terre, on aura un mot affectueux, une bénédiction pour ceux qui vivent maintenant. O mes chères soeurs, notre vie n'est pas terminée. Nous vivrons ! La musique joue si gaiement, si joyeusement ! Encore un peu de temps, et nous saurons pourquoi nous vivons, pourquoi nous souffrons. Si l'on savait, si l'on savait !

 
 
Tchekhov, Les Trois Soeurs (1901), trad. d'A. Adamov, révisée par M. Cadot, Ed. Garnier-Flammarion 
 
 
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Le décalogue de la sérénité

 

 

1. Rien qu'aujourd'hui, j'essaierai de vivre ma journée sans chercher à résoudre le problème de toute ma vie. 
2. Rien qu'aujourd'hui, je prendrai le plus grand soin de me comporter et d'agir de manière courtoise ; je ne critiquerai personne et je ne prétendrai corriger ou régenter qui que ce soit, excepté moi-même. 
3. Aujourd'hui je serai heureux, rien qu'aujourd'hui, sur la certitude d'avoir été créé pour le bonheur, non seulement dans l'autre monde, mais également dans celui-ci. 
4. Rien qu'aujourd'hui je consacrerai dix minutes à une bonne lecture en me rappelant que, comme la nourriture est nécessaire à la vie du corps , de même la bonne lecture est nécessaire à la vie de l'âme. 
5. Rien qu'aujourd'hui, je ferai une bonne action et je n'en parlerai à personne. 
6. Rien qu'aujourd'hui, j'accomplirai au moins une chose que je n'ai pas du tout envie de faire, et si on m'offense, je ne le manifesterai pas. 
7. Rien qu'aujourd'hui, je me plierai aux circonstances, sans prétendre que celles-ci cèdent à tous mes désirs. 
8. Rien qu'aujourd'hui, j'établirai un programme détaillé de ma journée. Je ne m'en acquitterai peut-être pas entièrement, mais je le rédigerai. Et je me garderai de deux calamités: la hâte et l'indécision. 
9. Rien qu'aujourd'hui, je croirai fermement - même si les circonstances attestent le contraire - que la Providence de Dieu s'occupe de moi comme si rien d'autre n'existait au monde. 
10. Rien qu'aujourd'hui, je n'aurai aucune crainte. Et tout particulièrement, je n'aurai pas peur d'apprécier ce qui est beau et de croire à la bonté. 
Je suis en mesure de faire le bien pendant douze heures, ce qui ne saurait me décourager, comme si je me croyais obligé de le faire toute ma vie durant.

 
 
Pape Jean XXIII  
 
 
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Chaque geste de notre vie peut devenir bonheur

 

 

L'avez-vous déjà remarqué, nous sommes toujours en attente du résultat d'un acte, d'un événement, projetés vers l'avenir, les yeux rivés sur l'aboutissement, sur l'arrivée, en attente d'autre chose, de quelqu'un d'autre, de mieux, d'ailleurs...

 

 

J'escalade la montagne en ne songeant qu'à ce que je verrai du sommet.

 

 

Je me dépêche de lire le livre pour en savoir plus, pour connaître la suite, toujours la suite, toujours plus avant. Je pose la question : "Comment est-ce que ça se termine ?"

 

 

J'attends le train, je ne vis pas. Je suis tendue vers l'arrivée du train, le cou tendu vers le tournant où il va apparaître. "Il arrive ? Il arrive ?" Et bien sûr, une fois dans le train, je n'ai qu'une hâte : arriver !

 

 

Au travail, j'attends la pause, la fin de la journée, le week-end, les vacances, la retraite... "Quand j'aurai rencontré l'âme-soeur...", "Quand les enfants seront grands", "Ah, si j'étais libre", "Quand j'aurai de l'argent", "Quand j'aurai déménagé", "Quand j'habiterai à la campagne", "Quand j'aurai le temps...", ou alors, c'est "Ah, si j'avais su...", "Avant c'était mieux !", "Ah, quand il/elle était là !".

 

 

Et finalement, je ne vis pas et les années passent. Le compte à rebours a commencé et je ne savoure toujours pas la vie précieuse qui m'est offerte à chaque seconde, la douceur de l'air dans mes poumons, sur mon visage, les yeux de l'inconnu(e) qui me croise, la colline si vivante devant moi, la danse des nuages, un après-midi de repos, la chaleur de ma couverture, un toit sur ma tête, les clins d'oeil du soleil...

 

 

Hier en faisant le ménage, j'ai pris conscience pour la première fois que j'aimais faire le ménage ! Et chaque acte est devenu un véritable plaisir : laver les vitres, jeter de vieux journaux, de vieux livres, faire le vide... Chaque geste de notre vie est/peut/va devenir bonheur, chaque instant, chaque seconde (ou presque !), ne serait-ce que respirer...

 
 
Alex, L'Âme et le Coeur  
 
 
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Le bonheur

 

 

C'était l'heure du thé, avant l'entrée des lampes. La villa dominait la mer; le soleil disparu avait laissé le ciel tout rose de son passage, frotté de poudre d'or; et la Méditerranée, sans une ride, sans un frisson, lisse, luisante encore sous le jour mourant, semblait une plaque de métal polie et démesurée.

 

 

Au loin, sur la droite, les montagnes dentelées dessinaient leur profil noir sur la pourpre pâlie du couchant.

 

 

On parlait de l'amour, on discutait ce vieux sujet, on redisait des choses qu'on avait dites, déjà, bien souvent. La mélancolie douce du crépuscule ralentissait les paroles, faisait flotter un attendrissement dans les âmes, et ce mot: "amour", qui revenait sans cesse, tantôt prononcé par une forte voix d'homme, tantôt dit par une voix de femme au timbre léger, paraissait emplir le petit salon, y voltiger comme un oiseau, y planer comme un esprit.

 

 

Peut-on aimer plusieurs années de suite ? 
- Oui, prétendaient les uns. 
- Non, affirmaient les autres.

 

 

On distinguait les cas, on établissait des démarcations, on citait des exemples; et tous, hommes et femmes, pleins de souvenirs surgissants et troublants, qu'ils ne pouvaient citer et qui leur montaient aux lèvres, semblaient émus, parlaient de cette chose banale et souveraine, l'accord tendre et mystérieux de deux êtres, avec une émotion profonde et un intérêt ardent. 

 
Mais tout à coup quelqu'un, ayant les yeux fixés au loin, s'écria : 
- Oh ! voyez, là-bas, qu'est-ce que c'est ? 

 
Sur la mer, au fond de l'horizon, surgissait une masse grise, énorme et confuse. Les femmes s'étaient levées et regardaient sans comprendre cette chose surpenante qu'elles n'avaient jamais vue. 

 
Quelqu'un dit : 
- C'est la Corse ! On l'aperçoit ainsi deux ou trois fois par an dans certaines conditions d'atmosphère exceptionnelles, quand l'air, d'une limpidité parfaite, ne la cache plus par ces brumes de vapeur d'eau qui voilent toujours les lointains. 

 
On distinguait vaguement les crêtes, on crut reconnaître la neige des sommets. Et tout le monde restait surpris, troublé, presque effrayé par cette brusque apparition d'un monde, par ce fantôme sorti de la mer. Peut-être eurent-ils des visions étranges, ceux qui partirent, comme Colomb, à travers les océans inexplorés. 

 
Alors, un vieux monsieur, qui n'avait pas encore parlé, prononça : 
- Tenez, j'ai connu dans cette île, qui se dresse devant nous, comme pour répondre elle-même à ce que nous disions et me rappeler un singulier souvenir, j'ai connu un exemple admirable d'un amour constant, d'un amour invraisemblablement heureux. 

 
Le voici. Je fis, voilà cinq ans, un voyage en Corse. Cette île sauvage est plus inconnue et plus loin de nous que l'Amérique, bien qu'on la voie quelquefois des côtes de France, comme aujourd'hui. 

 
Figurez-vous un monde encore en chaos, une tempête de montagnes que séparent des ravins étroits où roulent des torrents; pas une plaine, mais d'immenses vagues de granit et de géantes ondulations de terre couvertes de maquis ou de hautes forêts de châtaigniers et de pins. C'est un sol vierge, inculte, désert, bien que parfois on aperçoive un village, pareil à un tas de rochers au sommet d'un mont. Point de culture, aucune industrie, aucun art. On ne rencontre jamais un morceau de bois travaillé, un bout de pierre sculptée, jamais le souvenir du goût enfantin ou raffiné des ancêtres pour les choses gracieuses et belles. C'est là même ce qui frappe le plus en ce superbe et dur pays: l'indifférence héréditaire pour cette recherche des formes séduisantes qu'on appelle l'art. 

 
L'Italie, où chaque palais, plein de chefs-d'oeuvre, est un chef-d'oeuvre lui-même, où le marbre, le bois, le bronze, le fer, les métaux et les pierres attestent le génie de l'homme, où les plus petits objets anciens qui traînent dans les vieilles maisons révèlent ce divin souci de la grâce, est pour nous tous la patrie sacrée que l'on aime parce qu'elle nous montre et nous prouve l'effort, la grandeur, la puissance et le triomphe de l'intelligence créatrice. 

 
Et, en face d'elle, la Corse sauvage est restée telle qu'en ses premiers jours. L'être y vit dans sa maison grossière, indifférent à tout ce qui ne touche point son existence même ou ses querelles de famille. Et il est resté avec les défauts et les qualités des races incultes, violent, haineux, sanguinaire avec inconscience, mais aussi hospitalier, généreux, dévoué, naïf, ouvrant sa porte aux passants et donnant son amitié fidèle pour la moindre marque de sympathie. 

 
Donc, depuis un mois, j'errais à travers cette île magnifique, avec la sensation que j'étais au bout du monde. Point d'auberges, point de cabarets, point de routes. On gagne, par des sentiers à mulets, ces hameaux accrochés au flanc des montagnes, qui dominent des abîmes tortueux d'où l'on entend monter, le soir, le bruit continu, la voix sourde et profonde du torrent. On frappe aux portes des maisons. On demande un abri pour la nuit et de quoi vivre jusqu'au lendemain. Et on s'assoit à l'humble table, et on dort sous l'humble toit; et on serre, au matin, la main tendue de l'hôte qui vous a conduit jusqu'aux limites du village. 

 
Or, un soir, après dix heures de marche, j'atteignis une petite demeure toute seule au fond d'un étroit vallon qui allait se jeter à la mer une lieue plus loin. Les deux pentes rapides de la montagne, couvertes de maquis, de rocs éboulés et de grands arbres, enfermaient comme deux sombres murailles ce ravin lamentablement triste. 

 
Autour de la chaumière, quelques vignes, un petit jardin, et plus loin, quelques grands châtaigniers, de quoi vivre enfin, une fortune pour ce pays pauvre. 

 
La femme qui me reçut était vieille, sévère et propre, par exception. L'homme, assis sur une chaise de paille, se leva pour me saluer, puis se rassit sans dire un mot. Sa compagne me dit : 
- Excusez-le; il est sourd maintenant. Il a quatre-vingt-deux ans. 

 
Elle parlait le francais de France. Je fus surpris. Je lui demandai : 
- Vous n'êtes pas de Corse ? 

 
Elle répondit : 
- Non, nous sommes des continentaux. Mais voilà cinquante ans que nous habitons ici. 

 
Une sensation d'angoisse et de peur me saisit à la pensée de ces cinquante années écoulées dans ce trou sombre, si loin des villes où vivent les hommes. Un vieux berger rentra, et l'on se mit à manger le seul plat du dîner, une soupe épaisse où avaient cuit ensemble des pommes de terre, du lard et des choux. 

 
Lorsque le court repas fut fini, j'allai m'asseoir devant la porte, le coeur serré par la mélancolie du morne paysage, étreint par cette détresse qui prend parfois les voyageurs en certains soirs tristes, en certains lieux désolés. Il semble que tout soit près de finir, l'existence et l'univers. On perçoit brusquement l'affreuse misère de la vie, l'isolement de tous, le néant de tout, et la noire solitude du coeur qui se berce et se trompe lui-même par des rêves jusqu'à la mort. 

 
La vieille femme me rejoignit et, torturée par cette curiosité qui vit toujours au fond des âmes les plus résignées : 
- Alors. vous venez de France ? dit-elle. 
- Oui, je voyage pour mon plaisir. 
- Vous êtes de Paris, peut-être ? 
- Non, je suis de Nancy. 

 
Il me sembla qu'une émotion extraordinaire l'agitait. Comment ai-je vu ou plutôt senti cela, je n'en sais rien. Elle répéta d'une voix lente : 
- Vous êtes de Nancy ? 

 
L'homme parut dans la porte, impassible comme sont les sourds. Elle reprit : 
- Ça ne fait rien. Il n'entend pas. 

 
Puis, au bout de quelques secondes : 
- Alors, vous connaissez du monde à Nancy ? 
- Mais oui, presque tout le monde. 
- La famille de Sainte-Allaize ? 
- Oui, très bien; c'étaient des amis de mon père. 
- Comment vous appelez-vous ? 

 
Je dis mon nom. Elle me regarda fixement, puis prononça, de cette voix basse qu'éveillent les souvenirs : 
- Oui, oui, je me rappelle bien. Et les Brisemare qu'est-ce qu'ils sont devenus ? 
- Tous sont morts. 
- Ah ! Et les Sirmont, vous les connaissiez ? 
- Oui, le dernier est général. 

 
Alors elle dit, frémissante d'émotion, d'angoisse, de je ne sais quel sentiment confus, puissant et sacré, de je ne sais quel besoin d'avouer, de dire tout, de parler de ces choses qu'elle avait tenues jusque-là enfermées au fond de son coeur, et de ces gens dont le nom bouleversait son âme : 
- Oui, Henri de Sirmont. Je le sais bien. C'est mon frère. 

 
Et je levai les yeux vers elle, effaré de surprise. Et tout d'un coup le souvenir me revint. Cela avait fait, jadis, un gros scandale dans la noble Lorraine. Une jeune fille, belle et riche, Suzanne de Sirmont, avait été enlevée par un sous-officier de hussards du régiment que commandait son père. 

 
C'était un beau garçon, fils de paysans, mais portant bien le dolman bleu, ce soldat qui avait séduit la fille de son colonel. Elle l'avait vu, remarqué, aimé en regardant défiler les escadrons, sans doute. Mais comment lui avait-elle parlé, comment avaient-ils pu se voir, s'entendre ? comment avait-elle osé lui faire comprendre qu'elle l'aimait ? Cela, on ne le sut jamais. 

 
On n'avait rien deviné, rien pressenti. Un soir, comme le soldat venait de finir son temps, il disparut avec elle. On les chercha, on ne les retrouva pas. On n'en eut jamais de nouvelles et on la considérait comme morte. 

 
Et je la retrouvais ainsi dans ce sinistre vallon. Alors, je repris à mon tour : 
- Oui, je me rappelle bien. Vous êtes mademoiselle Suzanne. 

 
Elle fit "oui", de la tête. Des larmes tombaient de ses yeux. Alors, me montrant d'un regard le vieillard immobile sur le seuil de sa masure, elle me dit : 
- C'est lui. 

 
Et je compris qu'elle l'aimait toujours, qu'elle le voyait encore avec ses yeux séduits. Je demandai : 
- Avez-vous été heureuse, au moins? 

 
Elle répondit, avec une voix qui venait du coeur: 
- Oh ! oui, très heureuse. Il m'a rendue très heureuse. Je n'ai jamais rien regretté. 

 
Je la contemplais, triste, surpris, émerveillé par la puissance de l'amour! Cette fille riche avait suivi cet homme, ce paysan. Elle était devenue elle-même une paysanne. Elle s'était faite à sa vie sans charmes, sans luxe, sans délicatesse d'aucune sorte; elle s'était pliée à ses habitudes simples. Et elle l'aimait encore. Elle était devenue une femme de rustre, en bonnet, en jupe de toile. Elle mangeait dans un plat de terre sur une table de bois, assise sur une chaise de paille, une bouillie de choux et de pommes de terre au lard. Elle couchait sur une paillasse à son côté. 

 
Elle n'avait jamais pensé à rien, qu'à lui ! Elle n'avait regretté ni les parures, ni les étoffes, ni les élégances, ni la mollesse des sièges, ni la tiédeur parfumée des chambres enveloppées de tentures, ni la douceur des duvets où plongent les corps pour le repos. Elle n'avait eu jamais besoin que de lui; pourvu qu'il fût là, elle ne désirait rien. 

 
Elle avait abandonné la vie, toute jeune, et le monde, et ceux qui l'avaient élevée, aimée. Elle était venue, seule avec lui, en ce sauvage ravin. Et il avait été tout pour elle, tout ce qu'on désire, tout ce qu'on rêve, tout ce qu'on attend sans cesse, tout ce qu'on espère sans fin. Il avait empli de bonheur son existence, d'un bout à l'autre. 

 
Elle n'aurait pas pu être plus heureuse. 

 
Et toute la nuit, en écoutant le souffle rauque du vieux soldat étendu sur son grabat, à côté de celle qui l'avait suivi si loin, je pensais à cette étrange et simple aventure, à ce bonheur si complet, fait de si peu. Et je partis au soleil levant, après avoir serré la main des deux vieux époux. 

 
Le conteur se tut. Une femme dit : 
- C'est égal, elle avait un idéal trop facile, des besoins trop primitifs et des exigences trop simples. Ce ne pouvait être qu'une sotte. 

 
Une autre prononça d'une voix lente : 
- Qu'importe ! elle fut heureuse. 

 
Et là-bas, au fond de l'horizon, la Corse s'enfonçait dans la nuit, rentrait lentement dans la mer, effaçait sa grande ombre apparue comme pour raconter elle-même l'histoire des deux humbles amants qu'abritait son rivage.

 
 
Maupassant, le Gaulois, 16 mars 1884. 
 
 
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Lettre à Ménécée

 

 

Epicure à Ménécée, Bonjour. 

 
Quand on est jeune, il ne faut pas hésiter à philosopher, et quand on est vieux, il ne faut pas se lasser de philosopher. Il n’est jamais ni trop tôt, ni trop tard pour prendre soin de son âme. Celui qui dit qu’il n’est pas encore ou qu’il n’est plus temps de philosopher, ressemble à celui qui dit qu’il n’est pas encore ou qu’il n’est plus temps d’atteindre le bonheur. On doit donc philosopher quand on est jeune et quand on est vieux, dans le second cas pour rajeunir au contact du bien, par le souvenir des jours passés, et dans le premier cas, afin d’être, quoique jeune, aussi ferme qu’un vieillard devant l’avenir. Il faut donc étudier les moyens d’acquérir le bonheur, puisque quand il est là nous avons tout, et quand il n’est pas là, nous faisons tout pour l’acquérir.

 

 
Observe donc et applique les principes que je t’ai continuellement donnés, en te convaincant que ce sont les éléments nécessaires pour bien vivre. 

 
Pense d’abord que le dieu est un être immortel et bienheureux, comme l’indique la notion commune de divinité, et ne lui attribue jamais aucun caractère opposé à son immortalité et à sa béatitude. Crois au contraire à tout ce qui peut lui conserver cette béatitude et cette immortalité. Les dieux existent, nous en avons une connaissance évidente. Mais leur nature n’est pas ce qu’un vain peuple pense. Celui qui nie les dieux de la foule n’est pas impie. L’impie est celui qui attribue aux dieux les caractères que leur prête la foule. Car ces opinions ne sont pas des intuitions, mais des imaginations mensongères. De là viennent pour les méchants les plus grands maux, et pour les bons, les plus grands biens. 

 
La foule, habituée à la notion particulière qu’elle a de la vertu, n’accepte que les dieux conformes à cette vertu, et croit faux tout ce qui en est différent. 

 
Habitue-toi en second lieu à penser que la mort n’est rien pour nous, puisque le bien et le mal n’existent que dans la sensation, et que la mort est l'éradication de nos sensations. D’où il suit qu’une connaissance exacte de ce fait (la mort n’est rien pour nous) permet de jouir de cette vie mortelle, en nous évitant d’y ajouter une idée de durée éternelle et en nous enlevant le regret de l’immortalité. Car il n’y a rien de redoutable dans la vie pour qui a compris qu’il n’y a rien de redoutable dans le fait de ne plus vivre. Celui qui déclare craindre la mort non pas parce qu’une fois venue elle est redoutable, mais parce qu’il est redoutable de l’attendre est donc un sot. 

 
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C’est sottise de s’affliger parce qu’on attend la mort, puisque c’est quelque chose qui, une fois venu, ne fait pas de mal. Ainsi donc, le plus effroyable de tous les maux, la mort, n’est rien pour nous, puisque tant que nous vivons, la mort n’existe pas. Et lorsque la mort est là, alors, nous ne sommes plus. La mort n’existe donc ni pour les vivants, ni pour les morts puisque pour les uns elle n’est pas, et que les autres ne sont plus ! Mais la foule, tantôt craint la mort comme le pire des maux, tantôt la désire comme le terme des maux de la vie. Le sage ne craint pas la mort, la vie ne lui est pas un fardeau, et il ne croit pas que ce soit un mal de ne plus exister. De même que ce n’est pas l’abondance des mets, mais leur qualité qui nous plaît, de même, ce n’est pas la longueur de la vie, mais son charme qui nous plaît. Quant à ceux qui conseillent au jeune homme de bien vivre, et au vieillard de bien mourir, ce sont des naïfs, non seulement parce que la vie a du charme, même pour le vieillard, mais parce que le souci de bien vivre et le souci de bien mourir ne font qu’un. Bien plus naïf est encore celui qui prétend que ne pas naître est un bien et que la vie est un mal. Par exemple, celui qui dit : "Et quand on est né, franchir au plus tôt les portes de l’Hadès." 

 
Car si l’on dit cela avec conviction, pourquoi ne pas se suicider ? C’est une solution toujours facile à prendre, si on la désire si violemment. Et si l’on dit cela par plaisanterie, on se montre frivole sur une question qui ne l’est pas. Il faut donc se rappeler que l’avenir n’est ni à nous, ni tout à fait étranger à nous, en sorte que nous ne devons, ni l’attendre comme s’il devait arriver, ni désespérer comme s’il ne devait en aucune façon se produire. 

 
Il faut en troisième lieu comprendre que parmi les désirs, les uns sont naturels et les autres vains, et que parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires, et les autres seulement naturels. Enfin, parmi les désirs nécessaires, certains sont nécessaires au bonheur, d'autres à la tranquillité durable du corps, d'autres à la vie même. Or, une réflexion irréprochable à ce propos sait rapporter tout choix et tout rejet à la santé du corps et à la sérénité de l'âme, puisque tel est le but de la vie bienheureuse et que toutes nos actions ont pour but d’éviter à la fois la souffrance et l'angoisse. 

 
Quand une fois nous y sommes parvenus, tous les orages de l’âme se dispersent, l’être vivant n’ayant plus alors à marcher vers quelque chose qu’il n’a pas, ni à rechercher autre chose qui puisse parfaire le bonheur de l’âme et du corps. Car nous recherchons le plaisir, seulement quand son absence nous cause une souffrance. Quand nous ne souffrons pas, nous n’avons plus que faire du plaisir. Et c’est pourquoi nous disons que le plaisir est le principe et le but de la vie bienheureuse. C'est lui que nous avons reconnu le premier des biens naturels, c’est lui qui nous fait accepter ou fuir les choses, c’est à lui que nous aboutissons, en prenant la sensibilité comme critère du bien. 

 
Or, puisque le plaisir est le premier des biens naturels, il s’ensuit que nous n’acceptons pas le premier plaisir venu, mais qu’en certains cas, nous méprisons de nombreux plaisirs, quand ils ont pour conséquence une peine plus grande. D’un autre côté, il y a de nombreuses souffrances que nous estimons préférables aux plaisirs, quand elles entraînent pour nous un plus grand plaisir. Tout plaisir, dans la mesure où il s’accorde avec notre nature, est donc un bien, mais tout plaisir n’est pas cependant nécessairement souhaitable. De même, toute douleur est un mal, mais pourtant toute douleur n’est pas nécessairement à fuir. Il reste que c’est par une sage considération de l’avantage et du désagrément qu’il procure, que chaque plaisir doit être apprécié. En effet, en certains cas, nous traitons le bien comme un mal, et en d’autres, le mal comme un bien. 

 
Ainsi, nous considérons l'autosuffisance comme un grand bien : non pour satisfaire à une obsession 
gratuite de frugalité, mais pour que le minimum, au cas où la profusion ferait défaut, nous satisfasse. 
Car nous sommes intimement convaincus qu'on trouve d'autant plus d'agréments à l'abondance qu'on y est moins attaché, et que tout ce qui est naturel s’obtient aisément, tandis que ce qui ne l’est pas s’obtient malaisément. Les mets les plus simples apportent autant de plaisir que la table la plus richement servie, quand est absente la souffrance que cause le besoin, et du pain et de l’eau procurent le plaisir le plus vif, quand on les mange après une longue privation. L’habitude d’une vie simple et modeste est donc une bonne façon de soigner sa santé, et rend l’homme par surcroît courageux pour supporter les tâches qu’il doit nécessairement remplir dans la vie. Elle lui permet encore de mieux apprécier, à l'occasion, les repas luxueux et, face au sort, l'immunise contre l'inquiétude. 

 
Quand nous parlons du plaisir comme d'un but essentiel, nous ne parlons pas des plaisirs des débauchés, ni des jouissances sensuelles, comme le prétendent quelques ignorants qui nous combattent et défigurent notre pensée. Nous parlons de l’absence de souffrance physique et de l’absence de trouble moral. Car ce ne sont ni les beuveries et les banquets continuels, ni la jouissance que l’on tire de la fréquentation des jeunes garçons et des femmes, ni la joie que donnent les poissons et les viandes dont on charge les tables somptueuses, qui procurent une vie heureuse, mais des habitudes raisonnables et sobres, une raison cherchant sans cesse des causes légitimes de choix ou d’aversion, et rejetant les opinions susceptibles d’apporter à l’âme le plus grand trouble. 

 
Au principe de tout cela, comme plus grand bien : la prudence. Or donc, la prudence, d'où sont 
issues toutes les autres vertus, se révèle en définitive plus précieuse que la philosophie : elle nous 
enseigne qu'on ne saurait vivre agréablement sans prudence, sans honnêteté et sans justice, ni avec 
ces trois vertus vivre sans plaisir. Les vertus, en effet, naissent d’une vie heureuse, laquelle à son tour est inséparable des vertus. 

 
Est-ce qu'il y a quelqu’un que tu puisses mettre au-dessus du sage ? Le sage a sur les dieux des opinions pieuses. Il ne craint la mort à aucun moment, il estime qu’elle est la fin normale de la nature, que le "summum" des biens est facile à atteindre et à posséder. Il sait que les maux ont une durée et une gravité limitées. Il sait ce qu’il faut penser de la fatalité, dont on fait une maîtresse despotique. Il sait que les événements viennent les uns du hasard, les autres de nous, car la fatalité n'a de compte à rendre à personne et le hasard est inconstant ; mais que ce qui vient par notre initiative n’est soumis à aucune tyrannie, et est sujet au blâme et à l’éloge. Il vaudrait mieux en effet suivre les récits mythologiques sur les dieux que devenir esclaves de la fatalité des physiciens naturalistes. La mythologie laisse l’espérance qu’en honorant les dieux on se les conciliera, mais la fatalité est inexorable. Le sage ne croit pas, comme la foule, que le hasard soit une divinité, car un dieu ne peut pas agir d’une façon désordonnée. Il n’est pas non plus pour lui une cause, étant inconstant. Il ne croit pas qu’il soit la cause du bien et du mal, ni de la vie heureuse, et pourtant il sait qu’il peut apporter de grands biens ou de grands maux. Il croit qu’il vaut mieux faire de bons calculs, même malchanceux, qu’avoir de la chance après de mauvais calculs. Car ce qui vaut mieux, c’est réussir dans des entreprises que l’on a sagement méditées. 

 
A ces questions, et à toutes celles qui s'y rattachent, réfléchis jour et nuit pour toi-même et pour qui est semblable à toi, et jamais tu ne seras troublé ni dans la veille ni dans tes rêves, mais tu vivras comme un dieu parmi les humains. Car il n'a rien de commun avec un animal mortel, l'homme vivant parmi des biens immortels.

 
 
Epicure 
 
 
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Ce que veut la Fortune

 

 

Ce que veut la Fortune (*), dans les choses humaines, 
et par quels moyens on peut lui résister 
Je n'ignore pas la pensée qu'ont eue et qu'ont encore bien des gens : que les affaires du monde sont tellement gouvernées par la Fortune et par Dieu, que toute la prudence humaine n'est point capable d'y mettre obstacle, ni d'y apporter aucun remède ; et ils concluent qu'il ne faut pas s'en mettre en peine, mais qu'il faut abandonner les choses à leur destin. Cette opinion s'est extrêmement fortifiée dans ces derniers temps, par la grande mobilité des événements qui se produisent, contre l'espérance de tout le monde. Quelquefois, en y pensant bien, j'éprouve quelque penchant pour cette manière de voir. Néanmoins, notre libre arbitre n'étant pas tout à fait éteint, je pense qu'il peut être vrai que la Fortune conduise la moitié de nos actions, mais qu'elle nous laisse gouverner l'autre moitié, ou presque. Je la compare à un fleuve impétueux qui, lorsqu'il se fâche, inonde les campagnes, abat les arbres et les édifices, emporte le terrain de différents endroits pour le déposer en d'autres ; alors chacun s'enfuit et cède à sa violence, sans pouvoir y mettre obstacle. Quoi qu'il en soit, lorsque le calme est revenu, les hommes ne laissent pas de se précautionner par des travaux et des digues, afin que, si le fleuve vient à croître, il se déverse dans un canal, ou que, tout au moins, ses courses soient moins dangereuses et moins violentes. 

 
Il en est de même de la Fortune : elle fait paraître son pouvoir quand on n'a pas la force de lui résister, et elle tourne toute sa colère contre les endroits où il n'y a ni remparts ni digues pour la contenir. [...] 

 
Un Prince qui n'a point d'autre appui que la Fortune, périt selon qu'elle varie. Je crois encore que tel mode de conduite peut être heureux, si les circonstances sont favorables, et malheureux si les circonstances ne s'y prêtent pas. En effet, les hommes, lorsqu'il s'agit d'arriver au but qu'ils se proposent (qui est la gloire et les richesses), prennent des routes différentes : l'un marche avec précaution, l'autre y va brusquement ; les uns y emploient l'artifice, d'autres la violence ; les uns se conduisent avec patience, d'autres avec le contraire : et avec des modes si divers, chacun d'eux peut atteindre son but. 

 
On voit encore deux hommes prudents dont l'un parvient à ses fins, et l'autre non ; au contraire, deux personnes ne laisseront pas de réussir également bien, l'une avec des précautions, l'autre avec de l'impétuosité : et cela vient de ce que leurs procédés conviennent ou ne conviennent pas au caractère du moment. Ce qui fait, comme je l'ai dit, que deux personnes, en agissant diversement, arrivent au même but, et que deux autres, en agissant de même, se voient l'une à son but, et l'autre non. Il faut encore tenir compte des variations de la Fortune : tel qui se gouverne avec modération et patience, s'en trouve bien, parce que les circonstances le supportent ; si elles changent, il se ruine, tout d'abord parce qu'il est difficile d'aller contre son tempérament, ensuite, parce qu'ayant toujours réussi en suivant une route, on ne peut se persuader qu'il faille l'abandonner. De là vient qu'un temporiseur n'a jamais que de mauvais succès lorsqu'il faut en venir à la violence. Mais si l'on changeait de tempérament selon les circonstances, il n'y aurait rien de si constant que la Fortune. [...] 

 
Concluons donc que lorsque la Fortune change, et que les hommes ne changent pas, ils sont heureux si elle et eux ont des concordances, malheureux s'ils ne s'accordent point. Je pense, cependant, qu'il vaut mieux être bouillant que circonspect, parce que la Fortune est femme, et qu'il est nécessaire de la battre et de la maltraiter, pour la tenir sous sa dépendance : elle se laisse plus facilement vaincre par ceux-là, que par ceux qui la traitent avec froideur. Comme les femmes, elle aime les jeunes gens, parce qu'ils sont moins respectueux, plus violents, et qu'ils la maîtrisent avec plus d'audace.

 
 
Machiavel, Le Prince, chapitre 25 
(*) la fortune : la chance, les astres...  
 
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Tâchez d'être heureux

 

 

Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte, et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence. 

 
Sans aliénation, vivez autant que possible en bons termes avec toutes personnes. Dites doucement et clairement votre vérité, et écoutez les autres, même le simple d'esprit et l'ignorant ; ils ont eux aussi leur histoire. Evitez les individus bruyants et agressifs, ils sont une vexation pour l'esprit. 

 
Ne vous comparez avec personne : vous risqueriez de devenir vain ou vaniteux. Il y a toujours plus grands et plus petits que vous. 

 
Jouissez de vos projets aussi bien que de vos accomplissements. Soyez toujours intéressés à votre carrière, si modeste soit-elle ; c'est une véritable possession dans les prospérités changeantes du temps. Soyez prudent dans vos affaires ; car le monde est plein de fourberies. Mais ne soyez pas aveugle en ce qui concerne la vertu qui existe ; plusieurs individus recherchent les grands idéaux ; et partout la vie est remplie d'héroïsme. 

 
Soyez vous-même. Surtout n'affectez pas l'amitié. Non plus ne soyez cynique en amour, car il est en face de toute stérilité et de tout désenchantement aussi éternel que l'herbe. 

 
Prenez avec bonté le conseil des années, en renonçant avec grâce à votre jeunesse. Fortifiez une puissance d'esprit pour vous protéger en cas de malheur soudain. Mais ne vous chagrinez pas avec vos chimères. De nombreuses peurs naissent de la fatigue et de la solitude. 

 
Au-delà d'une discipline saine, soyez doux avec vous-même. Vous êtes un enfant de l'univers, pas moins que les arbres et les étoiles ; vous avez le droit d'être ici. Et qu'il vous soit clair ou non, l'univers se déroule sans doute comme il le devrait. 

 
Soyez en paix avec Dieu, quelle que soit votre conception d'elle ou de lui, et quelles que soient vos peines et vos rêves, gardez dans le désarroi bruyant de la vie, la paix dans votre âme. Avec toutes ses perfidies, ses besognes fastidieuses et ses rêves brisés, le monde est pourtant beau. Soyez positif et attentif aux autres. 

 
Tâchez d'être heureux.

 
 
Anonyme 
Ce texte a été trouvé en 1692 dans la cathédrale de Baltimore
 
 
 
 
 

Comment trouver le bonheur ?

 

 

Le premier secret est de mettre par instant le monde entre parenthèses. [...] 

 
L'autre secret - ou le même ? - est d'être simple. De saisir les joies les plus naturelles. Le repos sur l'herbe à mi-course, le dos épousant la forme d'un talus, l'oreille attentive au bruit d'un ruisseau, les yeux fixés sur les merveilleux nuages. Les plaisirs de la montagne, le départ de la cabane à la lanterne, la joyeuse chaleur du sang dans l'air glacé, la difficulté vaincue et l'ivresse du sommet atteint. Les grandes courbes neigeuses entre ombre et soleil, la trace fraîche ouverte par les skis, et parmi les forêts et les clairières les tables de bois. La mer "toujours recommencée", où les vagues déferlent dans l'écume, où le retrait du flot fait sourdre la vie dans les flaques des rochers. Les jeux et les sports qui établissent de justes rapports entre le corps et l'esprit, qui, dans la piscine ou sur le stade, font retrouver à l'homme l'enfance des hommes et le transmuent pour une minute ou pour une heure en un bel animal innocent. 

 
L'art enfin, source merveilleuse d'émotion et de communication, apporte à l'intelligible le complément sensible sans lequel la part la plus profonde de l'être ne peut s'accomplir. "Dans le monde triste, énergique, dur, sombre, qui se sent mal à l'aise et qui vaguement se sent coupable", qu'annonçait Faguet en 1899, la littérature et les arts n'ont pas de fonction éthique directe. "Ils ne donnent aux hommes qu'une jouissance, mais ils leur donnent une jouissance désintéressée, et c'est là leur grand bienfait. Dans la grande usine, ils ouvrent une fenêtre, et donnent aux travailleurs un quart d'heure de contemplation, un quart d'heure de vive activité intellectuelle qui n'a pas pour but un bien-être physique à acquérir, ou un rival à terrasser. Il faut multiplier autant que possible ces quarts d'heure là." L'art combat la médiocrité par l'exaltation. Les plus beaux vers de la langue française réunis dans une anthologie. Les musées et les monuments offerts à notre admiration. L'insertion heureuse d'une construction dans un site. Les grandes architectures qui valent par leur agencement d'ensemble autant que par la beauté propre de leurs éléments. Les villes debout, San Giminiano, Manhattan, la Défense. Les déplacements de perspectives, imperceptibles au piéton et révélés à l'automobiliste. La musique devenue accessible à chaque instant grâce au disque, à la radio, à la cassette, si accessible et peut-être si profanée qu'il m'arrive de regretter le temps lointain où je créais le silence intérieur en marchant dans les rues nocturnes vers la salle de concert où il me semblait déjà entendre les instruments s'accorder. 

 
Je n'omets pas l'amitié qui mériterait à elle seule tout un livre. La chaîne qui se noue entre adultes et jeunes hommes dans le soutien mutuel de l'expérience et de l'ardeur, celle qui se tisse chaque jour entre compagnons d'étude et de travail, unis par les difficultés partagées et les désaccords surmontés. Enfin ces profonds échanges où chacun se sent obligé de l'autre, celui qui donne à l'égal de celui qui reçoit. 

 
Tout cela m'apparaît très simple. Mais je veux terminer par plus simple encore, en empruntant à La Bruyère cette maxime qui résume la plus belle part de ma vie et, je le crois, de toute vie : "Être avec des gens qu'on aime, cela suffit : rêver, leur parler, ne leur parler point, penser à eux, penser à des choses plus indifférentes, mais auprès d'eux, tout est égal."

 
 
Pierre Massé, La crise du développement, 1973 
 
 
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Ce qu'il faut pour être heureux

 

 

Il faut penser ; sans quoi l'homme devient, 
Malgré son âme, un vrai cheval de somme. 
Il faut aimer ; c'est ce qui nous soutient ; 
Sans rien aimer il est triste d'être homme. 

 
Il faut avoir douce société, 
Des gens savants, instruits, sans suffisance, 
Et de plaisirs grande variété, 
Sans quoi les jours sont plus longs qu'on ne pense. 

 
Il faut avoir un ami, qu'en tout temps, 
Pour son bonheur, on écoute, on consulte, 
Qui puisse rendre à notre âme en tumulte, 
Les maux moins vifs et les plaisirs plus grands. 

 
Il faut, le soir, un souper délectable 
Où l'on soit libre, où l'on goûte à propos, 
Les mets exquis, les bons vins, les bons mots 
Et sans être ivre, il faut sortir de table. 

 
Il faut, la nuit, tenir entre deux draps 
Le tendre objet que notre coeur adore, 
Le caresser, s'endormir dans ses bras, 
Et le matin, recommencer encore.

 
 
Voltaire 
 
 
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Simon

 

 

Un pasteur disait un soir, assez soucieux, au concierge de son église : 
- Je suis tracassé par le fait que chaque jour à midi, depuis des semaines, un pauvre vieux, aux habits râpés, entre dans l'église. Je peux le voir depuis la fenêtre du presbytère : il s'avance vers le choeur, il n'y reste que quelques minutes, puis il ressort. Cela me paraît bien mystérieux et je m'inquiète de peur qu'il y ait un vol ou une dégradation. J'aimerais bien que vous puissiez l'interroger. 

 
Le lendemain, et plusieurs jours de suite, le concierge vérifie qu'en effet ce pauvre visiteur, sur le coup de midi, entre dans l'église pour un court moment, puis sort sans hâte. Il l'accoste enfin : 
- Bonjour. Je vous vois venir très régulièrement à l'église. Savez-vous que vous êtes un des plus fidèles paroissiens ? 
- Je viens prier, dit tranquillement le vieil homme. 
- Allons donc ! Vous ne restez pas assez longtemps pour cela. Vous allez seulement jusqu'à l'autel puis vous repartez. Qu'est-ce que cela signifie ? 
- C'est exact, reprend le vieil homme. Mais, voyez-vous, je ne sais pas faire une longue prière. Pourtant, je viens chaque jour à midi et je lui dis simplement : " Jésus... c'est Simon !" Puis j'attends une minute et je m'en retourne. C'est une petite prière, mais je crois qu'il m'entend. 

 
Peu après, le pauvre Simon est renversé par un camion. On le transporte à l'hôpital. Là, malgré les efforts du personnel, beaucoup de malades sont grincheux et irrités, se plaignant du matin au soir. Mais voilà qu'un jour, une infirmière entend un éclat de rire ; elle s'étonne et demande : 
- Qu'est-ce qui se passe ? Vous voilà aujourd'hui de bonne humeur comme je ne vous ai jamais vu ! 
- Oh, c'est à cause du vieux Simon ! Il souffre, il a mal, mais jamais il ne se plaint. Il est toujours joyeux, content, patient. Il parle à chacun de nous, il écoute, il nous donne du courage. 

 
L'infirmière se dirige vers le lit de Simon : 
- Vous avez fait un miracle, vous faites envie à tous, vous êtes toujours heureux et joyeux, malgré vos douleurs. C'est formidable, merci ! 
- Comment ne le serais-je pas, répond Simon, c'est grâce à mon visiteur, lui me rend heureux jour après jour. 
- Votre visiteur ? Mais, Simon, il n'y a jamais personne qui vient vous voir, vous êtes seul du matin au soir, je n'ai rencontré aucun membre de votre famille ni aucun ami. Alors quand vient-il ? 
- Tous les jours à midi, répond Simon dans un élan joyeux. Il se tient, là, au pied de mon lit. Je le vois, il me dit: " Simon... c'est Jésus !"

 
 
Anonyme, d'origine anglaise
 
 
 
 
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(c) Hafsa Benmchich - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 22.04.2006
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